Dans le cadre d’une obésité sévère, la chirurgie bariatrique déclenche une perte de poids rapide et importante. Au-delà de l’IMC, quels critères d’inclusion donnent accès à cette pratique ? À quel point le télésuivi va-t-il améliorer le suivi des patients avant et après cette intervention ? Dans quelle mesure la durée moyenne de séjour (DMS) s’en trouve-t-elle diminuée ? Les réponses du Dr Eric Blancato, spécialiste en chirurgie viscérale, digestive et de l’obésité au Centre Hospitalier Intercommunal Aix-Pertuis (Aix-en-Provence).

Quand un patient atteint d’obésité consulte pour perdre du poids, plusieurs stratégies successives sont mises en place. Dans un premier temps, le patient suit un programme nutritionnel, physique et psychologique. Un traitement médicamenteux[1] peut être prescrit, sur le court terme : si les molécules ne génèrent pas une perte de poids de 5% dans les 12 semaines, cette indication prend fin.

Il arrive que ce protocole complet ne soit pas suffisamment efficace au bout de 6 à 18 mois, malgré une observance thérapeutique complète. Dans ce cas, les équipes médicales proposent au patient le recours à la chirurgie bariatrique. Pour accéder à cette intervention, les critères d’éligibilité sont précis :

  • L’obésité doit être sévère (IMC égal ou supérieur à 35 kg/m²) si elle est associée à une complication « susceptible d’être améliorée par la chirurgie» comme le décrit la Haute autorité de Santé (HAS). Il peut s’agir d’un diabète de type 2, d’une hypertension artérielle (HTA), d’un syndrome d’apnée-hypopnée obstructive du sommeil, de troubles respiratoires, de maladies ostéo-articulaires ou encore d’atteintes hépatiques. La chirurgie bariatrique est également indiquée en cas d’obésité dite massive (IMC supérieur à 40 kg/m²) avec ou sans complication
  • Être âgé(e) de 18 à 65 ans
  • Le patient ne doit pas présenter de vulnérabilité sévère sur le plan psychologique
  • Le patient ne doit pas présenter de risque opératoire en particulier

La chirurgie bariatrique consiste à déclencher une perte de poids en réduisant les prises alimentaires. Plusieurs méthodes peuvent être privilégiées[2]. Techniques dites restrictives, l’anneau gastrique et la Sleeve (ablation partielle de l’estomac) « réduisent le volume susceptible de recevoir des aliments », précise Ameli.fr.  L’opération dite mixte[3], plus connue sous le terme By-pass, consiste « à ‘court-circuiter’ une partie de l’estomac et de l’intestin, empêchant ainsi l’absorption des aliments ». Avec la Sleeve, la perte de poids s’avère particulièrement importante dans les six premiers mois, là où cette dernière s’effectue plus lentement dans le cadre d’un By-pass.

Le suivi pré et post-opératoire capital contre l’obésité 

La chirurgie bariatrique s’effectue dans la très grande majorité des cas sous cœlioscopie. Cette technique ne nécessite que des petites ouvertures de l’abdomen. À la suite de l’intervention, le risque de douleur et l’impact cicatriciel profond se trouvent diminués.

Pour autant, comme le précise le site Ameli.fr, ces interventions n’ont rien d’anodin. En pré-opératoire, « elles exigent une bonne préparation physique et psychologique. Elles requièrent également un bon suivi post-opératoire et un programme d’éducation au plan diététique et de l’activité physique. »

Dans ses recommandations de 2009, la Haute autorité de Santé (HAS) acte l’importance de la surveillance en amont et en aval de la chirurgie bariatrique, pour assurer la sécurité du patient. Et augmenter les chances de réussite. Soit le maintien de la perte de poids sur le long terme, au-delà de la première année suivant la chirurgie au cours de laquelle les patient(e)s voient leur masse graisseuse diminuer rapidement.

Précisément, « après la réalisation d’un by-pass, la perte d’excès de poids peut être de 80 à 90% », décrit le Dr Eric Blancato, spécialiste en chirurgie viscérale, digestive et de l’obésité au Centre Hospitalier Intercommunal Aix-Pertuis. En prenant en compte le poids total, et non l’excès pondéral cette fois-ci, « la chirurgie bariatrique entraîne généralement une perte de poids durable d’environ 25 % du poids total, ainsi que des améliorations rapides et durables des complications de l’obésité et une réduction de la mortalité », souligne l’Inserm.

Post-opératoire : le télésuivi Maela à J+10

Plusieurs spécialistes gravitent autour de la prise en charge chirurgicale de cette maladie chronique qu’est l’obésité : l’endocrinologue, le chirurgien, le nutritionniste, le diététicien, le psychologue, l’enseignant en activité physique adaptée (APA).

Pour articuler les différentes compétences médicales et paramédicales, et ainsi répondre au mieux aux différents besoins du patient, certaines équipes référentes ont recours au télésuivi. C’est le cas au Centre Hospitalier Intercommunal Aix-Pertuis (Aix-en-Provence). « Nous sommes quatre médecins à utiliser la solution Maela depuis 2020. Le premier patient a été inclus le 9 septembre précisément, pour suivre l’évolution à j+10 de la chirurgie bariatrique » décrit le Dr Eric Blancato. À noter que nous utilisons également la solution Maela « auprès des patients opérés pour des pathologies colorectales[4] ».

Dans le cadre de la chirurgie bariatrique, Maela permet :

  • Le suivi des complications associées à la chirurgie, la survenue est moindre après la pose d’un bypass. Ces dernières restent rares, mais quand elles surviennent, il peut s’agir de fistules et d’hémopéritoines.

« Grâce à la solution Maela, nous avons pu détecter un hémopéritoine en 2022 qui était survenu à j+10, alors que le délai de survenue est beaucoup plus rapproché de l’intervention en temps normal. Sans Maela, la détection des symptômes aurait possiblement été plus tardive.»

télésuivi obésité
  • Le suivi des complications que sont les comorbidités liées à l’obésité

Dès le retour du patient à domicile et dans les dix jours suivant l’intervention, les équipes sont prévenues par le patient des possibles effets indésirables, grâce à des systèmes d’alerte. En effet, après saisie d'une réponse au questionnaire de suivi médical (seuil d'alerte prédéfini par le corps médical), une notification est envoyée au plateau infirmier qui est en charge de prendre contact avec le patient pour adapter la conduite à tenir.

En 2020, 19 patients opérés en chirurgie bariatrique ont bénéficié du télésuivi par Maela, 56 en 2021 et 63 en 2022.

DMS et sécurisation des protocoles de sortie

Quid de l’impact de la solution Maela sur la durée moyenne de séjour (DMS) ? Difficile d’objectiver les choses sur ce point, « car avant 2020 j’avais déjà intensifié le déploiement de la RAAC[5] pour faire sortir les patients le plus tôt possible », décrit le Dr Blancato. « Aujourd’hui, nous sommes toujours sur une sortie moyenne à J+1. Mais Maela est venue sécuriser les protocoles de sortie. Et la DMS a bien diminué pour les patients atteints de maladies colorectales, car aucun protocole n’était engagé quand Maela est entrée dans le service ».

Après une chirurgie bariatrique, grâce au télésuivi, le patient peut sortir dès lors que tous les feux sont au vert. 

"Le rythme cardiaque doit être stabilisé, des bilans sanguins viennent certifier l'équilibre des paramètres biologiques. Toutes les données sont saisies en ligne sur la solution. Avant, toute cette phase post-opératoire à domicile était articulée de façon plus artisanale. Aujourd'hui il serait difficile de se passer de Maela, surtout pour une spécialité potentiellement à risque sur le plan médico-légale."

L’utilisation de la solution Maela en chirurgie bariatrique s’est faite dans la lignée de « notre participation au label PACO. Une expérimentation initiée en 2020 dans lequel 80 des patients (sur les 2 000 participants au total) inclus ont été recrutés dans notre centre ». L’objectif était « d’optimiser la prise en charge en pré-opératoire à partir d’ateliers d’éducation thérapeutique proposés dans les deux années suivant la fin du suivi ». Un protocole articulé par des infirmières coordinatrices.

Aller au-delà de J+10 ?

Actuellement, grâce à la plateforme Maela, « les patients, eux, se sentent rassurés sur des questions simples qu’ils peuvent poser aux infirmières connectées et disponibles 24 heures sur 24 ». Et du côté des soignants ? « L’accompagnement par le télésuivi me permet d’aller au bout d’un de mes objectifs : ne pas faire sortir un patient sous perfusion. Donc de s’assurer que les difficultés à boire, souvent rapportées dans le mois suivant l’intervention, n’empêchent pas la rentrée à domicile. La solution Maela me rassure car je sais que la moindre complication pourra être rapportée aux infirmières », atteste le Dr Blancato.

Pour autant, au Centre Hospitalier Intercommunal Aix-Pertuis, la solution Maela est-elle déployée en routine dans le service de chirurgie bariatrique ? « Pas tout à fait, car globalement les équipes manquent de temps et d’engagement pour avoir le réflexe d’utiliser la solution », explique le Dr Blancato. « Ce sont deux leviers que je souhaite voir améliorer ». Notamment pour « inscrire les patients le plus en amont possible de leur intervention pour qu’ils soient le mieux préparés possible. Et pour passer de la nuit d’hospitalisation à la chirurgie ambulatoire, même si notre marge de manœuvre est déjà étroite. »

L’enjeu pour le suivi sur plusieurs années est également « d’incrémenter de nouvelles modalités de suivi physiologique, nutritionnel et psychologique sur le plus long terme, au-delà du J+10 donc ».

Une priorité en santé publique étant donné l’ampleur de l’obésité en France. Son incidence est de plus en plus élevée avec 17% de la population française actuellement touchée (contre 8% en 1997). Sans compter la diminution de l’espérance de vie en bonne santé liée à d’importants risques de comorbidités : atteintes métaboliques (diabète de type 2, cancers[6]), maladies cardiovasculaires, troubles musculosquelettiques, formes graves de Covid-19.

L'interopérabilité, un point clé vers la chirurgie ambulatoire 

« En voyant plus large, l’objectif est d’inciter à l’utilisation de Maela dans d’autres services de l’hôpital », relaie le Dr Blancato. Et de faire bénéficier un maximum de patients de cette meilleure gestion des risques post-opératoires. À ce niveau, « l’interopérabilité de la solution est essentielle pour simplifier les inscriptions des patients, en chirurgie bariatrique bien sûr, mais aussi pour les spécialités[7] dans lesquelles la RAAC est déjà bien développée ».

Enfin, selon le Dr Blancato, l’approche médicale doit encore évoluer. « Encore beaucoup d’équipes associent l’hospitalisation à de la bienveillance, et perçoivent la RAAC et la chirurgie ambulatoire d’un mauvais œil. Certains spécialistes estiment en effet que faire sortir le patient plus tôt lui fait courir des risques. Alors que la sortie précoce et le suivi à domicile vont plus nettement dans le sens de l’autonomie du patient. Et ce de façon absolument sécurisée. »

[1] « Pour certaines personnes souffrant d'obésité, en cas d’échec de la prise en charge nutritionnelle bien conduite et sous réserve de leur implication dans les soins, un traitement en injections sous cutanées par analogue du GLP-1 (liraglutide®) pourra être proposé », données Ameli.fr

[2] La chirurgie bariatrique comprend quatre actes possibles : le by-pass gastrique, l’anneau gastrique, la sleeve gastrectomy (ablation partielle de l’estomac), la dérivation biliopancréatique

[3] « Restriction gastrique, cette technique correspond à la création d’une dérivation du tube digestif (Bypass). Elle relie la partie haute de l'estomac à la partie centrale de l'intestin grêle », données Ameli.fr

[4] Cancers colorectaux

[5] Programmes de récupération améliorée après chirurgie basés sur une stimulation des capacités du patient pour un meilleur rétablissement post-opératoire

[6] L’obésité expose à un sur-risque « de cancer de l’endomètre, du sein, des ovaires, de la prostate, du foie, de la vésicule biliaire, du rein et du colon… », données Inserm

[7] Services ORL, gynécologie-obstétrique

Sources

L. Bourgault – Aurala Communication