Le cancer reste la première cause de mortalité en France avec une incidence qui a doublé sur les 30 dernières années (chiffres de l’INCa : Institut National du Cancer). Le vieillissement et l’augmentation de la population participent à l’augmentation du nombre de nouveaux cas déclarés.

L’évolution des connaissances, des techniques médicales et le développement des innovations ont transformé les prises en charge des patients et en particulier l’administration des chimiothérapies. Les pratiques médicales et chirurgicales évoluent particulièrement rapidement en oncologie (spécialité étudiant les cancers : leurs diagnostics et leurs traitements) en lien avec l’amélioration de la compréhension de l’histologie (correspond à l’étude des tissus biologiques) des tumeurs et l’importance grandissante de la génétique pour l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques.

De manière générale, une chimiothérapie est administrée par l’équipe médicale par voie intraveineuse au patient pendant de longues séances de perfusions. Cependant cette tendance change lentement avec l’avènement des chimiothérapies orales. En effet les chimiothérapies administrées par voie intraveineuse ont tendance à abîmer les vaisseaux sanguins, c’est pourquoi un praticien procède à l’insertion chirurgicale d’une poche sous-cutanée au niveau axillaire (proche de l’aisselle, au niveau pectoral).

Néanmoins ce mode d’administration présente de nombreuses contraintes : pose du cathéter sous cutané (risque d’infections), trajets réguliers pour se rendre à l’hôpital, temps de perfusion de la chimiothérapie qui peut s’avérer très long (3 jours pour le cis-platine par exemple).

Le développement des anticancéreux oraux :

La chimiothérapie orale permet d’éviter ces contraintes liées à l’injection intraveineuse du produit et apparait comme une alternative moins contraignante. Les avantages liés à une prise en charge par chimiothérapie orale sont :

  1. La diminution du risque lié aux perfusions
  2. L’amélioration de la qualité de vie du patient
    Administration simplifiée
    Réduction des trajets vers les centres de soins (coût, temps, fatigue)
    Compatible avec une vie sociale et une vie active
  3. Les effets secondaires généralement moins importants

Ces avantages font que la majorité des individus atteints d’un cancer auxquels une chimiothérapie orale est proposée, déclarent privilégier ce traitement oral plutôt qu’une chimiothérapie intraveineuse classique.

Aujourd’hui, 5% de l’ensemble des chimiothérapies se prennent par voie orale(1).  Ces traitements sont tout aussi efficaces qu’une chimiothérapie « classique » et présentent moins d’effets secondaires. La complication la plus fréquente concerne le syndrome main-pied se traduisant par des rougeurs au niveau des extrémités, des sensations de brûlures au niveau des paumes des mains et des plantes des pieds. Cependant l’alopécie (perte de cheveux) représente un phénomène très rare. Ainsi, 25% des médicaments cytotoxiques (inhibent ou empêchent le bon fonctionnement des cellules) en cours d’essais cliniques sont des chimiothérapies orales(1). Ce parcours de soins par traitements oraux est appelé à devenir de plus en plus courant dans les années à venir.

Le parcours de soins d’un patient sous anticancéreux oraux

De retour à son domicile le patient prend ses comprimés de une à plusieurs fois par jour selon le traitement prescrit. La prise en charge médicale du patient s’oriente toujours plus vers une médecine personnalisée et personnalisable. Comme pour la chimiothérapie classique, le traitement se fait selon des cycles avec une période de prise de médicaments et une période de repos. Le nombre de comprimés ou gélules à prendre, le nombre et les horaires de prise dépendent du traitement prescrit.

Comme pour la chimiothérapie classique, le suivi médical reste régulier pour que le médecin contrôle l’évolution de la maladie et s’assure que l’organisme réagit aussi bien que possible à la prise du traitement. Dans ce Plan de Personnalisation de Soins (PPS) du patient, celui-ci a besoin de comprendre et de s’approprier sa pathologie et son traitement. En effet, le patient se doit de devenir acteur de sa prise en charge et pour cela une éducation dite thérapeutique et adaptée à son profil est mise en place.

Les programmes d’Education Thérapeutique du patient :

D’après l’Organisation Mondiale de la Santé, « l’Education Thérapeutique du Patient vise à aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique. » Ces programmes font désormais partie intégrante de la prise en charge du patient avec comme objectif d’améliorer leur qualité de vie et celle des aidants. Lors de ces séances (individuelles ou collectives) l’équipe médicale constituée en général d’un pharmacien et d’une infirmière coordinatrice transmet au patient les informations sur sa maladie et son suivi.

Cette éducation est primordiale dans le cadre d’un suivi oncologique. Le patient doit suivre un schéma de prise de médicaments complexe une fois de retour à domicile. Des plans de prise, en général sous format papier, aident le patient dans l’amélioration de son observance et lui sont remis lors de ses séances d’éducation thérapeutique.

Les chimiothérapies orales sont des molécules sont « à marge thérapeutique étroite ». Ce sont des molécules sensibles avec un besoin de concentration précis dans le sang pour un efficacité optimale. Une légère variation de la concentration de la molécule peut provoquer des effets indésirables importants ou une inefficacité du traitement. On comprend de ce fait l’importance d’une bonne observance médicamenteuse. Des études de plus en plus nombreuses s’intéressent à l’évolution de l’observance médicamenteuse des patients sous anticancéreux oraux (étude Eval’Coach) démontrant l’importance de la sécurisation et du suivi patient depuis son domicile. L’efficacité du traitement dépend en grande partie de sa capacité à bien le suivre. Pour cela, le patient est aidé par le médecin et par l’équipe soignante qui l’entoure.

Une aide supplémentaire peut être proposée par certains établissements de santé en mettant à disposition des patients et de l’équipe médicale une solution de suivi connecté type Maela. Ainsi le patient dispose de son plan de prise et de rappels de prises de son traitement en version digitale. De plus, via ce type d’outil numérique l’équipe responsable de l’éducation thérapeutique peut proposer une continuité entre les séances pour un suivi des acquis du patient.

Malgré ces avantages, différentes barrières doivent être levées. Pour le patient, d’une part, le principal frein à une prise en charge ambulatoire est la difficulté d’accès aux infrastructures ainsi que l’isolement social. Pour les professionnels de santé et les établissements, d’autre part, la question du financement et de la responsabilité juridique en cas de complications (se traduisant dans certains cas par des recours en justice de la part des patients) restent encore floues. La nécessité d’avoir une bonne coordination des équipes et de mettre en place une organisation optimale (parfois même nouvelle) complexifie également ces changements de paradigme…

L’importance du lien Ville-Hôpital

Que la chimiothérapie soit par voie orale ou intraveineuse, le suivi médical du patient ne change pas : des consultations régulières avec le médecin sont prévues pour contrôler l’évolution de la maladie et le praticien s’assure que l’organisme du patient réagit aussi bien que possible à la prise de ce traitement. C’est également l’occasion de poser toutes les questions qui le préoccupent.

Un sentiment d’isolement du patient face à sa pathologie peut se développer. D’où l’importance du lien ville – hôpital ou lien péri-hospitalier pour lui proposer un canal de communication privilégié avec des professionnels de santé en cas d’oubli de prise par exemple pour lui communiquer la conduite à suivre. Le partage de l’information entre professionnels hospitaliers et professionnels de ville constitue un autre paradigme pour un suivi personnalisé.

Existent-ils des chimiothérapies orales pour tous les cancers?

Les molécules anticancéreuses proposées sous forme de comprimés tendent à s’étendre à de nouveaux types de cancer. Aujourd’hui des traitements oraux existent et concernent notamment le traitement de certaines formes de cancer du côlon et du rectum, du poumon, du cerveau, de l’ovaire,(…) et certaines formes d’hémopathie : leucémie, lymphome ou encore myélome.

Des traitements de support accompagnent le patient dans son retour à domicile afin de minimiser au maximum les effets indésirables liés à la chimiothérapie

Pour plus d’information, vous pouvez télécharger le document : Les cancers en France en 2017 : L’essentiel des faits et chiffres :

http://www.e-cancer.fr/Actualites-et-evenements/Actualites/L-Institut-national-du-cancer-publie-l-essentiel-des-faits-et-chiffres-des-cancers-en-France-en-2017

En savoir plus :

http://www.e-cancer.fr/

Robin Brech

Les sources :

  • La chimiothérapie orale du cancer en 2014, décembre 2015, Institut National du Cancer
  • Les cancers en France en 2017 : L’essentiel des faits et chiffres, Institut National du Cancer, 2017